La valeur et le prix des oeuvres d'art

Etablir la valeur d'une oeuvre d'art est un casse-tête cornélien dans la mesure où l'art est par essence un univers subjectif, dont l'ambition initiale est à mille (lieux) lieues du commerce. C'est sans compter l'art et la créativité qu'a l'humain pour valoriser l'inestimable et vendre l'invendable.

Cette table ronde d'une cinquantaine de minutes fait un tour d'horizon de cette capacité et livre quelques clés essentielles pour comprendre les rouages du marché de l'art.





Voir aussi les posts Comment s'établit le prix de l'art ; Hic et Art ; et tous les articles de la rubrique Marché de l'art.
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Art contemporain, l'anthropocentrisme remis au (mauvais) goût du jour.

Sorti des presses en février 2016, le livre La valeur de l'art contemporain pose la question de la valeur des œuvres de ce courant artistique. Ce petit essai court, perspicace et brillant fait partie des "must read" (à lire absolument) actuels pour qui veut aiguiser son regard sur l'art contemporain et en comprendre les rouages profonds.

Les auteures (1) partent d'un constat : au fil du temps depuis les années 1960 (2), "ce sont désormais les artistes et leur démarche que le monde et le marché de l'art évaluent, bien au-delà du produit fini que représentent leurs créations parfois éphémères" et "ce ne sont plus des normes esthétiques établies qui sont au coeur des processus d'évaluation économique et artistique, mais l'ensemble des acteurs du monde de l'art (galeristes, collectionneurs, critiques, artistes, administrateurs, conservateurs, commissaires, etc.). L'essor du marché de l'art a ainsi rendu plus complexe le lien entre valeur marchande et valeur artistique, et le décrochage entre ces deux valeurs semble être l'une des nouvelles caractéristiques de l'art contemporain".

Alors, c'est simple, ce constat décrit une situation qui porte un nom dans l'histoire des sciences : l'anthropocentrisme. Cette vision du monde initiée par Aristote, qui considère l'homme comme le centre de l'univers a dû attendre l'époque de Galilée, Copernic, Tycho Brahe et autres lumières des époques lointaines pour être balayée par la démonstration que la Terre n'est pas au centre de l'univers et que par conséquent l'homme ne l'est pas non plus...

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Comment s’établit le prix d’une œuvre d'art ? Partie 2

Suite des billets Hic et art et Comment s’établit le prix d’une œuvre d'art ? Partie 1

Euro Construction
Par Erina (Travail personnel) [Public domain], via Wikimedia Commons

Les œuvres émanant d’artistes vivants

Les œuvres des artistes reconnus


On distingue les œuvres d’art de plus de 500 000 €(1) des œuvres d’art entre 10 000 et 500.000 € de celles en deça de 10.000 €.

Pour les artistes qui vendent des œuvres au-delà de 500.000 €, le système est le même que celui décrit précédemment, mais en beaucoup plus rapide : au lieu de mettre 1 siècle à se valoriser, les œuvres, qui appartiennent quasi toutes à l’art contemporain (2), peuvent ne mettre que quelques années voire quelques mois. S’il est repéré, un artiste peut monter très vite au panthéon des ventes des maisons d’enchères. Notons que c’est l’artiste qui a la cote et non l’œuvre. C'est-à-dire que si un artiste est très coté et qu’il fait un dessin au stylo sur le coin d’une nappe en papier à la fin d’un déjeuner bien arrosé, le dessin aura de facto une immense valeur.
C’est ainsi que Richard Prince peut se permettre de piquer des images à 1$ sur instagram pour les revendre à son nom à 90 000 $.

On voit là la fragilité du système à long terme, le marché spéculatif de l’art contemporain rappelant par ailleurs grandement la bulle internet avant son explosion dans les années 2000…

Les artistes non reconnus du marché


Pour ce qui concerne le « petit marché » (de moins de 10 000 € à 50 000 €), il en va autrement.
C’est un marché qui a littéralement explosé ces dernières années, en termes d’offres. Sur ce marché, principalement porté par internet qui propose littéralement plusieurs centaines de milliers de galeries et autres plateformes, l’artiste est son propre représentant. A lui de prendre son bâton de pèlerin et de placer ses œuvres là où il peut. Les galeries, qu’elles soient virtuelles ou, surtout, physiques, n’ont plus les moyens de financer les risques de la promotion d’un artiste. Tout leur budget passe dans les salons et autres expositions internationales, passages obligatoires pour leur survie.

Ainsi, on a vu récemment le marché se transformer par les acteurs qui interviennent et par les modalités de « business ».

L’artiste se transformant en vendeur, les plateformes (qui lui demandent de  multiples fois de mettre la main au portefeuille pour promouvoir son art) lui indiquent des « bonnes pratiques » pour établir le prix de ses œuvres : sur Saatchi art, par exemple, il est préconisé de

-    Faire un tour d’horizon pour voir le prix du marché de ce type d’œuvre (sic !)
-    Prendre en compte les coûts de la matière et du temps passé pour établir un prix, qui varie donc principalement en fonction du support, de sa taille et de son coût de production, le tout en comptant 20$ par heure passée à réaliser l’œuvre.

En plus d’être vendeur, l’artiste doit donc être bon comptable. Il est également conseillé par toutes les plateformes et autres conseillers en marketing de l’art qui fleurissent actuellement d’établir une stratégie marketing et une politique de prix et de prévoir des « prints », des versions imprimées de l’œuvre originale. Imprimée sur posters, sur giclées, sur tee-shirts, sur sacs, sur mugs, etc.

Bref, au final, si un artiste ambitionne de vivre de son art dans ce nouveau territoire du marché de l’art qui se dessine, il semblerait que le choix d’une école de commerce soit plus approprié que celui d’une école d’art !

Mille milliards d’œuvres d'art

Résultats des courses, l’amateur comme l’acheteur d’art se retrouvent devant des milliers de plateformes web présentant des millions d’œuvres d'art qui souvent se déclinent en une multitude de « prints » !

Dans ce contexte, évidemment, chaque plateforme cherche un modèle économique et il semblerait que la tendance lourde soit à faire payer l’artiste et les galeries par des « droits de passage » contre service rendus (droit d’exposer sur la plateforme). Ce qui est un indice fort sur le fait que l’offre pourrait être supérieure à la demande et que la réserve de financement se situerait plutôt du côté de l’exploitation de l’égo des artistes et de la volonté de survie des galeries. Cela restant à valider, nous allons prochainement explorer de manière approfondie les galeries et autres plateformes internet de vente et d’achat d’art.

Le contrat passé entre ebay et Sotheby’s  en 2014 a fini de « boucler la boucle », la vieille maison d’enchères proposant ses enchères sur la plateforme typique des années 1990-2000. Sans aucun doute ambitionne-elle là de mettre un pied dans chaque segment de marché... Un pas de plus vers une atomisation totale du-dit marché. Pour le plus grand bénéfice de... - réponse restant à trouver !



(1) ou $ ou £, etc.

(2) voir les billets Qu'est-ce que l'art contemporain, Différence entre marché de l'art et monde de l'art.




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Picasso, interview de 1966


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