Comment s’établit le prix d’une œuvre d’art ? Partie 1



Euro Construction
 Par Erina (Travail personnel) [Public domain],via Wikimedia Commons

 

Établir le prix d’une œuvre d’art est un sacré casse-tête !


De multiples niveaux et de nombreux paramètres sont à prendre en compte pour ce faire. Sur quels critères est basée la détermination du prix d’une œuvre ? Sur le talent de l’artiste qui l’a créée ? Sur la puissance esthétique qui émane d’elle ? Sur son potentiel en termes de placement et sa capacité à produire des gains ?


Les œuvres émanant d’artistes morts

Prenons l’exemple de Van Gogh, emblématique, dont chacun sait qu’il est mort dans la quasi misère (1).

Le Portrait du Docteur Gachet, peint en 1890, fait partie des toiles les plus chères jamais vendues : plusieurs dizaines de millions de dollars au multimillionnaire japonais Ryoei Saito via Christies, en 1990, exactement cent ans plus tard.

Que s’est-il passé entre les deux dates, sachant que Vincent Van Gogh, s’il pouvait être apprécié de son vivant, n’avait vendu qu’une toile (ou très peu) et que ses toiles se vendaient aux alentours de 1000 F après sa mort ?


La veuve de son frère Théo, Johanna Bonger, a joué un rôle déterminant dans la valorisation des pièces de son beau-frère après la mort des deux hommes. Par un travail minutieux et méthodique, elle assure toutes les pièces, classe les lettres et commence à montrer et placer les peintures en Hollande puis à Paris.

Jusqu’en 1925 (année de sa mort), elle active tous ses réseaux influents de l’époque pour promouvoir et vendre les pièces de Van Gogh. Si bien qu’en 1930, de nombreux tableaux ont été vendues à des collectionneurs comme à des musées et Van Gogh est exposé dans les musées les plus prestigieux de Londres ou de New York.

Puis se passe ce qui est l’un des mouvements les plus marquants du marché de l’art au XXe siècle : les américains, d’une main de maître, initient l’art contemporain, font de New-York la place de marché incontournable de l’art au plan international et de l’art, un objet d’investissement qui devient assez vite outil de spéculation.

Ce mouvement autour de l’art contemporain entraine dans son sillage les peintures de maîtres classiques. Le marché se déplace de paris vers Londres et New-York. Les maisons d’enchères prestigieuses font leur travail et la cote s’envole.

En 1987, premier record de vente chez Christie’s : Les tournesols se vendent 39.9 millions de dollars. Bien sûr, le mythe de l’artiste maudit qui colle à l’œuvre de Van Gogh contribue à alimenter  la cote.

L’artiste devient un vrai placement spéculatif, certaines toiles ne sont gardées que quelques mois puis revendues. Le « marché Van Gogh » se régularise suite au scandale des fausses toiles (2), en 1999, qui amène les acheteurs à plus de prudence.

Bien sûr, l’œuvre de Van Gogh a marqué son temps et ouvert la voie à d’autres artistes, ne serait-ce que par l’utilisation faite des couleurs. Mais on le voit ici, la valorisation de ses œuvres sur le marché est principalement due à un travail méticuleux de « placement de produit » post mortem et au jeu de l’offre et de la demande sur un marché spéculatif. Au final, on ne peut pas démontrer que le prix de l’œuvre est directement lié au talent de l’artiste ni même à la portée esthétique de l’œuvre.

Comme nous allons le voir, dans Comment s’établit le prix d’une œuvre partie 2, la détermination des prix des œuvres d’artistes vivants peut aussi révéler quelques surprises…



1. Et dont on sait moins qu’il aurait vraisemblablement été assassiné selon les dernières recherches.
De nombreux indices ont mené à cette conclusion les deux Américains Steven Naifeh et Gregory White Smith, auteurs d'une récente biographie sur Van Gogh. Ce, après dix ans de recherches et la consultation de la totalité des archives du Musée Van Gogh d'Amsterdam avec 28 000 notes et des lettres méconnues de Vincent à son frère Théo. Parmi les indices, une lettre de Vincent à Théo indiquant qu’il avait plutôt bon moral la veille de sa mort après une série de bonnes nouvelles et le fait que la trajectoire de la balle dans le corps  n’est pas cohérente avec un tracé de suicide.
2. Des faux, des reproductions illicites de Van Gogh sont découverts.
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