Faut-il acheter une œuvre d'art dans une galerie d'art ?


A l'heure où pléthore d'artistes cherchent à vendre leurs œuvres sur internet via plateformes en ligne, sites et autres Facebook ou Instagram, est-il encore judicieux, pour l'amateur d'art, d'acheter une œuvre d'art dans une galerie ? 
Les chiffres sont clairs. Là où il y avait environ 300 000 collectionneurs d'art recensés au début du XXe siècle, le marché international de l'art compte aujourd'hui plus de 70 millions d'acheteurs*. Les barrières à l'entrée se sont effondrées grâce aux nouvelles technologies qui permettent à tout artiste de vendre directement en ligne ou de prendre directement contact avec des acheteurs potentiels et la question se pose de savoir s'il reste judicieux d'acheter de l'art par l'intermédiaire d'une galerie dont on sait qu'elle retient 50% à 70% du prix de l'œuvre vendue...


Si les ventes d'art se faisaient en quasi totalité par le biais de professionnels jusqu'il y a une quinzaine d'années, le volume de transactions faites directement en ligne atteint aujourd'hui le niveau impressionnant de 64% du volume total de transactions sur le marché de l'art*.

Les galeries d'art traditionnelles, plutôt en retard sur le sujet d'une présence online, se retrouvent donc en concurrence avec les achats en ligne via les nombreuses plateformes existantes et avec les achats directement à l'artiste.

Les achats en direct auprès de l'artiste ont quelques atouts pour l'acheteur : au plan du prix, tout d'abord, en France en particulier, où le taux de TVA pour un achat directement à l'artiste bénéficie d'un taux réduit de TVA ramené de 10% à 5,5% depuis le 1er janvier 2015 (vs 20% pour un achat par un intermédiaire). 

Sur le plan de l'affect, ensuite, un contact en direct avec l'artiste apportant une dimension humaine particulière, surtout si l'on suit ses travaux depuis un certain temps. Encore est-il intéressant, dans ce cas, de pouvoir rencontrer l'artiste et échanger avec lui, ce qui est la plupart du temps une option non possible dans les achats directs en ligne. Souvent, on peut tout de même s'inscrire à sa newsletter qui présente ses nouveautés, événements et autres travaux en cours.

Une fois ces dièses exprimés, on tombe malheureusement trop souvent sur des bémols à l'achat direct auprès de l'artiste :

Tout d'abord à marché ouvert et pléthorique, escrocs présents. Les escrocs divers et variés sont malheureusement très présents au point qu certaines plateformes de vente d'art en ligne on créé des fils spéciaux pour les alertes escroqueries.

Si le nombre d'acheteurs d'art a littéralement explosé dans les dernières décennies, le volume d'œuvres présentées à la vente atteint, lui, des sommets vertigineux. Il suffit de surfer un peu sur la toile pour être pris du même vertige que les étudiants du physicien Niels Bohr lorsqu'il leur exposait la physique quantique. Le marché s'est tout simplement atomisé en même temps qu'il se démocratisait et il semble aujourd'hui totalement impossible d'avoir une vue exhaustive sur l'art en vente à travers le monde. Le nombre de plateformes en ligne, de collectifs d'artistes (en ligne et en expositions physiques), de communautés, de plateformes d'enchères en direct et de mise en relation "artistes" "collectionneurs", est tout simplement étourdissant. Les salons, Art fairs et autres affordable art fairs se multiplient en continu. Alors même si l'on se considère comme un acheteur averti, rompu à l'estimation du prix des œuvres, il n'est pas possible de faire autre chose que du "butinage", comme disent nos amis canadiens.

Si l'on explore un peu plus en profondeur, on s'aperçoit assez vite que cette pléthore d'œuvres reste très sériée et géographiquement (principalement l'Occident, une partie de l'Asie, un soupçon de Russie et un saupoudrage d'Amérique du sud -1-) et dans les courants (art contemporain principalement -2-) et dans la nature de l'art proposé (peinture, puis photographie, la sculpture commençant à faire une percée rapide, car elle présente plusieurs avantage pour le marché - nous y reviendrons -).

Donc non seulement l'amateur d'art va passer un temps fou à surfer, vadrouiller, chercher des œuvres susceptibles de lui plaire, mais il va rester cantonné au tout venant, ce, que l'œuvre se situe à 500, à $50.000 ou à £150.000 et au-delà. Par tout venant, entendons "qui ne sort pas du cadre, du territoire, du consensuel". Dans ces plateformes, dans ces expositions, vous n'aurez aucune chance de voir le plasticien du fin fond de Galice ou le sculpteur de Zanzibar. Donc par essence, ce marché de l'art reste un art "d'entre soi". Or, en tant qu'amateurs d'art, nous avons sans cesse besoin de découvrir de nouveaux territoires.

Tout le monde n'ayant le loisir ni même le temps d'aller jusqu'en Galice ou jusqu'à Zanzibar pour dénicher l'œuvre qui va faire vibrer son âme, la galerie d'art, pour peu qu'elle soit innovante, va pouvoir revêtir ce rôle de chasseurs d'art, alliant son intuition, ses connaissances et son propre sens de l'esthétique.

Le deuxième aspect sur lequel la galerie va pouvoir amener une dimension supplémentaire, est, paradoxalement la question du prix des œuvres d'art. Outre que son expertise doit assurer un prix honnête pour l'artiste (qui souhaite gagner sa vie et qui a des coûts de production souvent non négligeables) elle assure aussi un prix cohérent pour l'acheteur, en lui évitant ce que l'on pourrait appeler le "syndrome de l'immobilier" en référence à ces propriétaires qui mettent en vente leur maison plus chère dans la petite annonce en vente directe que dans l'agence immobilière.

Le troisième point sur lequel la galerie apporte une dimension complémentaire est la garantie, notamment par la fourniture d'un certificat d'authenticité.

Le quatrième versant est le conseil au plan de l'investissement, de la fiscalité. Si c'est rarement l'élément déterminant dans le choix d'une œuvre, ça reste quand même un paramètre qui vaut d'être pris en compte.

Enfin, un cinquième élément non négligeable est le conseil, non seulement sur les œuvres en apportant toutes les informations nécessaires et replacé dans un contexte mais aussi sur le choix même de l'œuvre en fonction de votre profil d'acheteur. Le galeriste, s'il est professionnel, par son expérience et sa pratique, perçoit quel univers artistique va vous interpeller à un niveau que vous ne soupçonnez même pas. Sur tous ces points, toutes les galeries ne sont pas à la même enseigne, évidemment.

Alors, faut-il acheter une œuvre d'art dans une galerie ?
Au final, tout dépend de votre approche et, surtout, du temps dont vous disposez. Si vous aimez passer des heures à surfer sur internet pour trouver un coup de cœur ou vous cantonner à un artiste particulier que vous connaissez depuis belle lurette et dont vous achetez dès que vous le pouvez ou régulièrement les œuvres, alors, inutile de faire appel à une galerie.

Dans tous les autres cas, en particulier si vous manquez de temps ou si vous êtes en recherche de nouveaux territoires d'exploration, l'expérience montre que la galerie s'avère un choix judicieux.

Encore faut-il choisir la bonne galerie. Mais ça, c'est une autre question : "Comment choisir sa galerie d'art ?", sur laquelle nous reviendrons très prochainement....





Pour en savoir plus
Sur le taux de TVA pour ventes par des auteurs en France





*Sources : données Artprice, étude Hiscox sur les ventes d'art en ligne.
-1- La Chine et les Etats-Unis se taillent la part du lion, selon les marchés étudiés.
-2- au sens où nous le définissons dans ce blog / liens vers les autres posts.
-3- l'art contemporain, en particulier, est extrêmement consensuel, même si dans la conception, il ne l'est pas vu qu'il utilise la provocation en moyen d'expression privilégié -voir les billets pourquoi l'art contemporain est déja mort et pourquoi l'art contemporain qui veut choquer reste un art politiquement correct-



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